Alors que les confinements successifs de ces dernières années ont vu les assignations à résidence promouvoir par ricochet le télétravail, le site du portail vous propose de partager en trois volets ses réflexions autour de cette pratique hybride
Chapitre 3 : « Une organisation à prévoir en amont »
Dans nos précédents articles, Chantal Jacopin et Sophie Aranda témoignaient de leur analyse, en tant que spécialistes de la communication, des enjeux inhérents à la création d’un rapport de confiance dans le champ des échanges professionnels à distance. Benoît Frey et David Bibard nous ont livré à leur tour un regard croisé sur l’impact du télétravail dans la relation commerciale. Abordons à présent la mutation à l’œuvre de cette nouvelle façon de travailler s’agissant des Ressources humaines avec deux experts.
Isabelle Baraille, Consultante RH Groupe Réactif : « je ne pourrais pas exercer seulement en télétravail. Si je suis dans les RH c’est parce que j’aime les relations humaines et le contact m’est indispensable au delà des écrans ».
« Il faut garder en tête que tous les postes ne sont pas éligibles au télétravail. Certaines entreprises que j’ai pu accompagner ont fait le choix de n’avoir personne en télétravail car le besoin est sur le terrain, tandis que d’autres ont consenti sur les fonctions supports à introduire pleinement le travail à distance. Avec le recul, Je note un effet boomerang après une généralisation de la pratique aux dépens du relais nécessaire entre les collaborateurs. Les uns sont sur site les lundis et mardis, les autres les mercredis et jeudis… Il en résulte qu’on ne se croise plus et la transmission d’informations et le partage de connaissances s’en trouvent effilochés. Ceci surtout dans les structures les plus petites. Il me semble qu’il convient d’organiser le mode de fonctionnement en amont et de trouver le juste équilibre pour l’entreprise. La bonne formule me paraît être deux jours de télétravail consentis avec une contrepartie d’une journée qui rassemble tout le monde. Cela permet de faire le point sur les avancées de chacun dans le cadre d’une petite réunion d’équipes. Savoir qui travaille sur quoi c’est essentiel pour avancer sur les objectifs. Ne serait-ce que pour la convivialité aussi qui est très importante ».
Mettre en place des rituels pour maintenir le lien
« Dans le cas d’un éloignement géographique rendu possible par le travail à distance le rythme d’une rencontre une fois par mois me semble bien. Les nouvelles générations habituées au télétravail n’ont plus le même attachement à l’entreprise comme lieu de vie, telle que nous avons pu la concevoir. La conséquence en est l’augmentation du taux de turn-over surtout la première année pour l’intégration des nouveaux arrivants. Cette journée commune que j’ai l’habitude de mettre en place est l’occasion de déjeuner ensemble, voire même de prendre un verre après sur un temps moins formel, propice à favoriser les échanges ».
PTP : Et dans votre pratique personnelle ?
« En tant que DRH à temps partagé, le télétravail m’a permis d’intervenir sur une périphérie élargie. J’accompagne une entreprise en Bourgogne-Franche-Comté en distanciel complet. Le tout c’est d’arriver à tisser la confiance. Le temps partagé induisait déjà cette injonction de transparence. L’organisation était déjà en place puisque je suis habituée à intervenir en multi-sites. Néanmoins, je tiens à conserver le premier contact en rendez-vous physique pour nouer ce lien et assurer un relais opérationnel indispensable puisque mon rôle est davantage stratégique, comme définir les orientations en collaboration avec l’équipe dirigeante ».
Après une carrière en tant que DRH de grands groupes notamment internationaux, Stéphane Vendrot a fondé son cabinet de consultant à Rennes. En 2012, il a rejoint le collectif de directeurs associés à temps partagé Finaxim
PTP : Qu’est-ce qui a créé la bascule pour dévier une trajectoire verticale à son apogée au sein d’entreprises dont nous connaissons tous le nom ?
« Une quête de sens. J’avais envie de revenir aux fondamentaux de mon métier plutôt que de céder à une logique qui induisait davantage de politique qu’une véritable gestion des ressources et potentiels humains, au cœur de la réussite de tout projet ».
PTP : Comment avez-vous intégré le télétravail dans vos méthodes professionnelles ?
« C’est communément admis : il y a eu un avant et un après covid. Pour l’anecdote, lorsque j’ai créé ma société en 2012 j’ai transformé mon garage en bureau, aménagé l’environnement avec du parquet et la réappropriation de l’espace, car mes enfants étaient tout petits et il convenait qu’ils comprennent la différence entre un temps de travail ou de loisir au domicile. Depuis j’ai réinvesti la maison.
Étant basé à Rennes, j’avais déjà l’habitude de travailler de chez moi et de me déplacer chez les clients en fonction des besoins. Néanmoins, l’échange sur le terrain pour être l’interlocuteur privilégié des collaborateurs restait le paradigme. Pour exemple, j’ai fait une cinquantaine d’allers-retours à Paris en 2019 (soit 7 heures de transports dans la journée entre train, RER et métro) pour 8 heures de présence in situ. En termes de gestion du temps et de RSE, l’emprunte est considérable. En 2020, j’ai effectué 5 déplacements vers cette même entreprise parisienne. L’utilisation de nouveaux outils dédiés a clairement changé la donne, dès lors que cela fonctionne.
J’ai des clients pour qui j’anime le CSE (Comité social et économique – anciennement Comité d’entreprise-), les premières réunions se sont organisées en physique, depuis elles sont systématiquement en Visio. Le tout étant de bénéficier des bons relais. Je ne dirais pas que le télétravail m’a permis d’élargir le champ géographique de mes interventions, mais plutôt que je suis parvenu à pérenniser la relation avec mes clients historiques.
Concrètement, j’y ai gagné en santé et en coût. Lorsque je travaille à Paris, je suis en désavantage compétitif avec mes collègues qui résident sur place, car je ne peux pas refacturer mes déplacements ».
PTP : En tant que consultant avisé, qu’elles sont vos préconisations pour intégrer le télétravail de façon efficiente ?
« Concernant les entreprises que j’accompagne, le télétravail est quand même plus souvent un argument attractif. Dans différents métiers, ce mode de fonctionnement répond à une attente même si les postes de terrains semblent peu s’y prêter (je pense à la sphère sociale, comme les éducateurs de rue auprès des jeunes, le milieu du handicap…). Pourtant, à raison d’un ou 2 jours par mois pour organiser l’administratif, le modus vivendi est positif. Même dans les métiers de la comptabilité. Malgré la réticence de certains managers, l’équation est jouable. C’est un outil de levier pour attirer les talents sur un marché à condition de conserver l’échange des bonnes pratiques, la solidarité et de mettre en place des rituels dans un esprit d’équipe ».
« Prévoir des garde-fous »
Avec mes différentes entreprises, nous avons construit un accord sur le télétravail dans une logique un peu inversée. Nous sommes partis de la question du prérequis de présence indispensable ensemble au bureau par catégories. Cela s’étudie au cas par cas selon le domaine d’imprégnation. Je propose des solutions à une start-up dont tous les collaborateurs sont à 100 % en télétravail. En même temps, l’ADN de la boîte est niché dans l’écosystème digital. C’est un parti pris qui va bien avec l’activité. Le manque d’interactions physiques est compensé par des temps informels « fun ». Ils sont une vingtaine de salariés et il n’y a pas de locaux. Dans cette configuration, seuls les livrables font office de lien de confiance en l’absence de contrôle qui laisse peu de place aux profiteurs. Si l’image de l’entreprise pourrait en pâtir en interne, elle prouve finalement qu’elle est capable d’avoir une ligne vertueuse pour accéder à de nouveaux marchés. Grace à une organisation en amont, avec une charte assortie de contrats amendés par un avenant, j’ai pu border l’exercice du télétravail dans de bonnes conditions. Aujourd’hui, exercer à distance se justifie par un simple mail. Si l’on pense aux accidents domestiques (du fait d’un environnement professionnel non adapté par exemple), il faut mettre en place des mécanismes de réversibilité dans les contrats de travail des salariés qui protègent les entreprises et soit précis sur les conditions d’emploi dans un usage récurrent.
Chapitre 1 : « Mais où est passée la machine à café ? »
Chapitre 2 : « Plus d’opportunités et donc davantage de clients »
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